CHRONIQUE
lundi 29 juillet 2024
Départ pour Los Angeles
Nous sommes le 30 juillet, il est 6h46 heure locale, et la localité c'est Rosemead en banlieue de Los Angeles...Nous sommes de retour en terre américaine pour de nouvelles vacances familiales.... vacances, et non aventures, car Christophe a gravé dans le marbre ( enfin, on n'a pas de marbre mais c'est l'intention qui compte) que cette année il ne se passera rien. Ce seront des vacances pépère, cool, un peu retour aux sources... qu'on se le dise !Cette chronique sera donc sans doute la seule des vacances... juste parce que bon, il fallait bien quelques péripéties pour commencer, et puis pour que tout l'argent que l'homme a dilapidé en demandant à des gens de me "réclamer " des chroniques ne soit pas totalement perdu !Donc, l'an dernier, au retour du pays du matin calme ( enfin, quand il n'y a pas de typhon !), la destination de cet été 2024 semblait être la Grande Bretagne. Five o'clock tea, châteaux écossais, fish and chips, volant à droite pour conduite à gauche, plages de Cornouailles, crachin, scones, Harry Potter, eaux thermales de Bath, God Save the King, tout ça tout ça...Des circonvolutions qui nous amènent finalement si loin de la perfide Albion, je vous épargne les détails... mais nous y voilà. Comme d'habitude, Christophe a méticuleusement préparé le voyage, les enfants apportant chacun leurs propositions et moi me contentant de suivre le mouvement. Enfin, soyons honnête, je m'étais réservé un morceau de choix car j'avais décidé de m'occuper, SEULE, de la préparation de notre pré acheminement maison/aéroport. Oui je sais, les défis et les responsabilités ça ne me fait pas peur.Plan en plusieurs étapes :Depuis de longs mois, réfléchir au trajet possible en tenant compte du caractère aléatoire de la fiabilité des transports en Ile de France en général, et sur le RER D en particulier;Ajouter à cela l'impact prévisible de la tenue des JO de Paris;Garder en tête que nous partons un dimanche, ce qui limite encore les offres de déplacement;Anticiper les éventuelles pannes d'automates et/ou fermetures intempestives du guichet SNCF en allant acheter les billets avant le jour-J...Et voilà comment, samedi 27 juillet 2024, tout est prévu et sous contrôle : bus devant la maison, puis RER jusqu'à la coquette et bucolique gare de Villeneuve Saint Georges, connue pour sa perpétuelle faune humaine bruyante,odorante et en mouvement, et enfin nouveau bus jusqu'à Orly.A 17h36, j'expose donc le plan de voyage à mes troupes; tous sont passionnés et m'applaudissent. Fin de l'histoire. Vous vous doutez bien qu'évidemment ca ne s'est pas passé comme ça : habitués du RER D et de la gare de Villeneuve, Louis, Paul et Coline protestent, rappelant que descendre là-bas un jour où il fait chaud, avec des bagages, c'est comme plonger dans notre piscine après l'hiver, tu peux mais tu ne sais pas trop ce qui va pouvoir se coller à toi, que l'accès aux bus se fait au péril de nos semelles de chaussures et de notre odorat, puisque les alentours de la gare sont un urinoir géant à ciel ouvert, et que pour monter dans le bus il faudra accepter d'abandonner Marion qui n'aura jamais la force de passer avec sa valise plus lourde qu'elle au milieu des SDF allongés sur les trottoirs... Marion qui d'ailleurs ne dit rien, non pas parce qu'elle a une confiance absolue en moi, mais parce qu'elle regarde discrètement une énième vidéo du concert de Taylor Swift, qui n'a jamais eu l'idée de passer par Villeneuve Saint Georges pour son Eras Tour ( mais à quoi pensait donc son manager ???)Je n'ai même pas le temps d'ouvrir la bouche que Paul propose une solution alternative avec un bus spécial au départ de la charmante petite gare de Yerres, moins dépaysante que celle de Villeneuve mais bon, mes enfants sont des bourgeois, que voulez-vous...Bref, le lendemain c'est parti, bus, RER ( accès au quai par ascenseur où flotte un delicat fumet qui évoque, en format réduit, celui qui nous aurait attendu à Villeneuve), et descente à Yerres... la jeune génération, porteuse de son pass Navigo, quitte la gare sans problème mais la vieille garde, qu'est-ce qu'il ne lui arrive-t-il pas ??? Ben elle reste bloquée derrière les tourniquets, car ses billets ( achetés a l'avance, rappelez-vous !) indiquent sortie à Villeneuve ( 2 stations plus loin !). Et qui c'est donc qui doit ameuter un agent pour obtenir le droit de sortir d'une fare AVANT la fin du trajet payé ?? Ben c'est nous... et voilà qu'en plus on doit subir l'humiliation du discours de l'agent qui nous questionne comme s'il était de la gestapo, et pourquoi on veut descendre ici, et pourquoi dans ce cas on a acheté des billets jusqu'à Villeneuve, et pourquoi on va à Orly... le tout avec un regard suspicieux, comme si on cachait Xavier Dupont de Ligonnes dans nos valises (en plusieurs morceaux, du coup). Bon, il finit par daigner nous ouvrir le portillon, et nous fuyons sans demander notre reste !Une fois dans le bus, on peut se détendre... on se croit un peu dans Fast and Furious, mais depuis les bus de Corée sous les trombes d'eau, mon coeur est mieux accroché. Et nous arrivons au terminus, Orly, terminal 4, qui marque le début de notre looooong périple aérien.Cette année, on part avec French Bee, aspect financier oblige. Un enregistrement presque sans problème, un embarquement idem... et nous voilà à Newark, un "petit" aéroport dans la banlieue de New York. Il est 3h du matin heure française, 23h heure locale... on est un pitipeu dans le potage.On récupère nos bagages et on s'apprête à rejoindre les "connecting flights" (correspondances) mais là, l'Amérique nous accueille dans toute sa splendeur : un employé des douanes nous interpelle et nous fait nous ranger sur le côté avec nos bagages. J'ai l'impression soudaine d'être une migrante sans autorisation de circuler, et non pas une brave citoyenne française voyageant légalement avec un ESTA validé et un joli passeport biométrique... et là, litanie de questions : est-ce qu'on transporte des armes, des produits interdits, des tracts anti-américains, des chars d'assaut, des oeufs Kinder, des téléphones chinois, bref tout ce qui peut mettre la nation en danger ??? Ben nous, on répond que non, avec notre air le plus honnête possible... au bout de 5 minutes, on sent que le brave homme (et ses 6 collègues qui l'entourent) arrive au bout de sa liste interminable de trucs qui ne sont pas autorisés, et on commence à respirer. Là, dans une dernière grande inspiration, il lance "no plants, no fruits, no vegetables, no seeds ?" ( pas de plantes, pas de fruits, pas de légumes, pas de graines ?) et mon coeur s'arrête : mon regard croise celui de Christophe car oui, oui, oui, il faut l'avouer, nous sommes dans l'illégalité, et c'est SA FAUTE, on va se trouver à Guantanamo voire même direct sur la chaise électrique sans jugement, nos enfants seront orphelins et on nous écrira une chanson comme la balade de Sacco et Vanzetti et Nana Mouskouri la chantera (ah non zut, elle est morte... comment ça elle est pas morte ??? Vous êtes sûrs ?)... oui parce que oui, votre honneur, nous sommes coupables mais c'est parce que vous comprenez, on a un mirabellier dans notre jardin et il donne des fruits juste maintenant, et comme on partait et ben Mister Minguet il a voulu en emporter pour les boulotter pendant le trajet jusqu'aux Etats-Unis d'Amérique parce que c'est un pays de liberté, une terre de braves qui respecte la propriété privée et....Bon, je n'ai pas le temps de finir ma plaidoirie, nous devons sortir nos petits sacs Ziplock rempli de ces mirabelles prohibées et les exposer au regard accusateur du douanier. Qui nous demande ce que c'est... et on ne sait pas traduire mirabelle en anglais, du coup il croit que c'est du raisin, moi je ne veux pas qu'on m'accuse de mentir donc je dis que c'est des prunes, Paul me fait les gros yeux parce quen anglais "to prune" ça veut dire zigouiller, bref je finis par articuler faiblement "plums", qui semble être le sésame attendu, parce que le brave guard se détend, rigole, et nous dit que c'est "forbidden", et que ça vaut une amende de 300 dollars.... je me jure qu'en rentrant à la maison, Christophe ingurgitera de gré ou de force les dernières mirabelles pourries, par un orifice ou un autre... mais avant que ma haine ne m'étouffe j'entends le douanier nous dire que "for this time, it's ok" (pour cette fois, ça ira), avec un grand sourire. Je respire et mon niveau de stress commence à redescendre, mais à ce moment il nous fait repasser les valises aux rayons X, et là je repanique : il va certainement reconnaître l'arme atomique camouflée en pot de Nutella que Marion transporte, et là c'est sûr, on est tous cuits... mais non, la maligne l'a bien caché son pot de survie, et nous passons sans encombre. Quand il apprend que notre correspondance est à 7h, notre douanier arbore un sourire navré et nous souhaite bonne chance, ce qui me met la puce à l'oreille : n'y a-t-il pas dans ce charmant aéroport un petit coin calme et abrité où dormir quelques heures ??Et bien la réponse est non. Pas de coin calme et tranquille, pas de moquette pour s'allonger, on se retrouve de nouveau à partager la condtion des migrants, dans les courants d'air et l'inconfort des sièges à accoudoirs, et sous le regard méprisant des autres voyageurs qui nous toisent en passant... bonne leçon d'humilité et de compassion !Mais nous survivons, et nous nous écroulons de sommeil dès nos fesses posées dans l'avion ! Je finis cette chronique le 31 juillet à 9h43, dans la voiture qui nous emmène vers notre prochaine balade... et j'ai déjà de la matière pour une prochaine édition, alors... I'll be back ! (je reviendrai !)