
CHRONIQUE
mercredi 18 août 2021
Petite balade en montagne
Vous connaissez sûrement l'expression "c'est écrit avec les pieds", évoquant la piètre qualité d'un texte... et bien, quelle que soit votre opinion de mon style littéraire, s'il y a une expression que vous ne pourrez pas employer, c'est celle-ci ! Car mes doigts restent l'une des seules parties de mon corps qui fonctionne encore, et mes pieds seraient absolument incapables de faire quoi que ce soit d'autre qu'essayer de me maintenir en position verticale lorsque je le leur demande.Et pourquoi donc ? me demandez-vous. En fait, absolument pas, vous savez très bien pourquoi je me trouve aujourd'hui dans une condition physique très diminuée, vous avez bien sûr lu entre les lignes de l'avant- dernier post de Christophe... oui, ENCORE UNE FOIS, nous nous sommes retrouvés dans une situation improbable, et ENCORE UNE FOIS, je peux vous jurer que ce n'était pas prévu ! Jugez un peu : ce périple estival intitulé "histoire et sensations" devait, dans mon idée, permettre de réunir dans un même voyage des activités en rapport avec l'histoire et d'autres à sensations...pas les 2 en même temps !J'avais donc inclus dans notre planning une visite au "Nid d'aigle" d'Hitler, à Berchtesgaden. Les images vues dans Band of Brothers et les diverses descriptions et anecdotes glanées ici et là et partagées avaient mis l'eau à la bouche de tout le monde. Alors, pour resituer le cadre : Hitler avait une résidence de vacances, appelée le Berghof, à Berchtesgaden. Ce bâtiment fut détruit par les alliés en 1945. Le Nid d'aigle était un salon de thé et lieu de "représentation diplomatique" du parti nazi, surplombant les Alpes bavaroises. On y accédait selon tout un cérémonial qui existe encore aujourd'hui : un long tunnel mène à un ascenseur qui nous emporte au coeur du bâtiment, où l'on ne peut aujourd'hui qu'admirer une monumentale cheminée de marbre rouge que l'on dit offerte par Mussolini, et déjeuner dans un restaurant aux accents bavarois. Bref, une visite laissant peu de place à l'initiative personnelle, sauf pour la question de l'accès à l'ascenseur : là, 2 possibilités : une randonnée de 4h aller/retour, un peu lassante car pratiquée sur un chemin bien damé, voire goudronné, ou un trajet en bus de 20 minutes pour la modique somme de... 25 euros par personne. Autant dire que notre choix fut vite fait : la rando !Je terminai mon dernier post en évoquant les orages sur Salzbourg qui, bienvenus après la canicule, représentaient néanmoins une sérieuse source d'inquiétude pour moi par rapport à ce fameux projet de randonnée. Du coup, devant témoins (les enfants), j'ai fait promettre à Christophe que si le temps était trop incertain on renoncerait à la rando. Ce à quoi monsieur a répondu en haussant les épaules "comme si j'étais du genre à être inconscient !"... misère...Nous partîmes donc avec de bonnes réserves d'eau, 2 paires de chaussures de marche (pour Christophe et moi, les enfants étaient en baskets), 6 shorts ( la canicule nous a un peu traumatisés, quand même) et 6 vêtements de pluie (au cas où, quand même...). Arrivés à destination, j'invite Christophe à rejoindre le centre de documentation de l'Obersalzberg que nous n'avons pas l'intention de visiter, d'autant que les bunkers sur lesquels il est édifié sont fermés !, mais qui se trouve être le point de départ de la randonnée. Et vous vous en doutez, mon invitation est accueillie et déclinée avec politesse, nous on n'a pas besoin d'aller avec la foule, on va se débrouiller, on n'est pas bêtes, en plus on a Google Maps et regarde, ça indique un chemin qui met 1h au lieu de 2 1/2 !!Et donc, nous voilà partis, en tout droit à la scoute au milieu de la forêt, de la végétation hostile jusqu'au dessus des genoux (rappel : on est en shorts) et sous la pluie qui s'invite au bout d'1/4 d'heure. Bon c'est pas grave, on a l'habitude, les enfants ne bronchent pas, sauf Louis qui se fait mon porte-parole et exprime son peu d'enthousiasme. Christophe, lui, est tout content, on est tous seuls (tu m'étonnes), il ne fait pas trop chaud (tu m'étonnes), et la pluie lui permet d'étrenner la protection intégrée à son sac de drone (s'il n'y avait que ça pour lui faire plaisir, j'aurais pu mettre son sac sous la douche, hein...)Bon, le temps passe, la pluie finit par nous quitter, mais les esprits s'échauffent (le mien en tous cas) jusqu'à une tentative de putsch qui se solde par un échec : mon désir de rejoindre le chemin "officiel" ne sera pas comblé... Du coup, mon cerveau se met en mode avion pour économiser mon énergie et obliger mon corps à se déplacer, car, croyez-moi ou pas, nous nous retrouvons en pleine montagne, à suivre un chemin emprunté par des chèvres suicidaires, sous un soleil qui commence à cogner (il est midi - nous marchons depuis 1h30), sans savoir où nous allons, les yeux rivés vers le sommet où l'on n'aperçoit pas âme qui vive, et accompagnés par une voix angoissante répétant, à intervalles réguliers, "signal GPS perdu"...Là, mes enfants, prunelles de mes yeux et être étonnants s'il en est, passent en mode commando : Paul prend la tête de la colonne, suivi de près par Coline, tandis que Louis assiste Marion qui fait de son mieux pour tenir bon. Je dois le dire, j'ai eu (encore) de belles frayeurs et j'ai lutté pied à pied contre le découragement, essayant de profiter un peu des merveilleux paysages. Jusqu'à ce que mon coeur s'arrête en entendant une avalanche de cailloux juste à l'endroit où se trouvait Paul : trop, c'est trop, là j'ai explosé comme une cocotte-minute, du coup l'univers s'est dit qu'il fallait peut-être arrêter les conneries et, comme par miracle, Coline (placée en tête pendant que Paul passait ses blessures au désinfectant) a déniché un petit chemin pour chèvres moins suicidaires qui nous a ramenés en pente raide vers le chemin de randonnée, que j'ai embrassé avec reconnaissance et émotion en y posant les pieds...Je vous laisse imaginer le tableau : nous étions en nage, dégoûtants, épuisés par nos presque 3 heures de marche forcée, et nous voilà au milieu des cohortes de touristes montés en bus, tous frais et pimpants... pourtant, par un étonnant phénomène, nous retrouvons de l'énergie pour nous engager dans le fameux tunnel menant à l'ascenseur et accéder ainsi au Nid d'aigle tellement attendu...La porte de l'ascenseur s'ouvre et nous tombons nez à nez avec la porte du restaurant... il est 13h30, nous sommes affamés, nous nous y engouffrons donc immédiatement pour engloutir saucisses, patates, choucroute et autre goulasch qui nous remettent d'aplomb. Vers la fin du repas, un frisson me parcours, et je constate que la température semble avoir chuté. Et là, en regardant par la fenêtre, nous constatons qu'il y a ... du brouillard ! Mais du brouillard, genre, les bords de la Tamise à Londres en février ! Nous quittons le restau et sortons sur le solarium qui n'a de solarium que le nom : il fait super froid, nous sommes les seuls nigauds en shorts, certains des visiteurs ont même des gants !!! Moi je ne ressemble à rien, mon coupe-vent descend plus bas que mon short, les garçons me disent que je ressemble à un Teletubbies...Nous amorçons la descente sur le chemin de randonnée officiel (de toutes façons, vu mon état, Christophe n'ose pas proposer autre chose), mais aux 3/4 de la descente, un nouvel ami nous rejoint : l'orage !! Ben oui, celui qui m'a empêché de dormir la nuit précédente, celui qui n'avait pas été invité mais s'est bien incrusté ! Eclairs, tonnerre, vent, tout ça en plein milieu de la forêt : imaginez moi là-dessous, je n'ai même pas la force de vous raconter mes émotions... Et puis enfin, nous sortons de la forêt et rejoignons la civilisation... et là, les cieux s'ouvrent et c'est le DELUGE !!! Et on ne sait même pas trop où on est garés (puisque, je vous le rappelle, nous on ne fait jamais comme la foule !). Pauvres crevards que nous sommes, nous avançons dans les flaques d'eau, les jambes et les mains glacées... un pont nous offre un répit temporaire permettant à Christophe de localiser notre parking.. avant qu'une voiture passant à notre hauteur ne nous asperge copieusement ! Du coup, Christophe et Louis partent chercher notre arche en forme de Trafic, tandis que Paul veille sur les filles de la famille, de l'autre côté du pont pour éviter les éclaboussures !Donc au final, plus de 4 heures de marche, 1000 mètres de dénivelés gravis puis redescendus, 2 belles discussions TRES VIVES entre l'homme et moi, une explosion d'amour maternel pour mes enfants qui ont affronté les orages (au sens propre et au sens figuré) avec détermination et discrétion pour ne pas envenimer la situation...de la fierté aussi d'avoir fait ce truc impossible, mais quand même toujours cette lancinante question : POURQUOI ON NE PEUT JAMAIS FAIRE COMME LES AUTRES ??? A toute chose, malheur est bon : le lendemain, après un passage éclair dans le centre-ville de Salzburg, notre journal de voyage nous mène à Neuchwanstein, magnifique château perché qui aurait soi-disant inspiré Walt Disney pour la conception du château du premier Disneyland en Californie. Le décollage est laborieux, nous ne pouvons que difficilement nous mouvoir et les escaliers sont nos pires ennemis ! Arrivés sur place, étonnamment, la proposition d'éviter la randonnée d'une heure en prenant la navette est acceptée avec enthousiasme par les enfants, et Christophe n'ose pas réveiller mon dragon intérieur qui s'est enfin endormi, et puis à 3 euros l'aller et retour la douloureuse n'est pas la même ! Donc, comme les autres couillons, nous déambulons calmement autour de l'édifice en nous émerveillant du paysage et de l'architecture monumentale du château.... des fois, ça fait du bien de faire comme les autres !