CHRONIQUE
dimanche 7 août 2022
Jour 09 - Detroit / Chicago
Inoubliables souvenirsMe revoilà..."I'm back" comme on dit ici...Plusieurs jours sans écrire, plusieurs raisons pour ça : le manque de temps (les journées commencent tôt et finissent souvent plus tard que prévu), la fatigue (conséquemment à la raison précédente, je m'effondre dès que nous nous mettons au lit), le manque d'ambiance propice (ben oui, moi, pour écrire il me faut tout un tas de circonstances réunies et ce n'est pas facilement le cas), ma pénibilité personnelle que vous commencez à connaître, mais aussi, il faut quand même bien le dire, le blocage psychologique...Non, ne riez pas, c'est très sérieux; et très grave et pas drôle du tout. Depuis ma dernière chronique, écrite en prenant sur moi pour surmonter et ne pas laisser transparaître les angoisses vécues à Detroit, il y a eu PIRE !Tellement pire que j'ai failli mettre la valise de Christophe sur le paillasson (référence pour mamie Suzanne), avant de réaliser que si je faisais ça j'allais devoir conduire le monstre que nous avons loué, qu'en plus je ne pourrais aller nulle part parce qu'il faut la carte bancaire de monsieur pour accéder à toutes nos réservations, que le pot de Nutella de Marion est bientôt vide donc qu'une situation de crise s'annonce et que je ne suis absolument pas certaine que les enfants préfèrent me suivre moi plutôt que leur père, question sécurité essentiellement..Du coup, j'ai fait MA valise, j'ai récupéré MON passeport et j'ai prié MON ange gardien, j'ai dit au-revoir à tout le monde et j'ai quitté la chambre conjugale d'un pas décidé. Retour en France vite fait, décidée à prendre le 1er avion (comme dans les films), avec un billet en business s'il vous plaît (dans l'état où j'étais il fallait bien ça), et un Uber conduit par Ryan Reynolds ou Théo James (ou équivalent) pour m'accompagner à l'aéroport (voire plus loin si affinités). Le problème c'est que je n'ai pas réussi à descendre ma valise dans les escaliers.... donc Christophe est arrivé, nous a récupérées toutes les 2 (ma valise et moi), nous a ramenées dans la chambre et a patiemment attendu que ma pénibilité atteigne un niveau acceptable.Et donc, je suis toujours là ("I'm still standing" chanterait mon copain Elton), un peu à mon corps défendant il faut bien le dire...Mais pourquoi, POURQUOI vous dites-vous, pourquoi un tel mélodrame de ma part, moi qui suis pourtant toujours si modérée (:-)) ???Et bien vous allez le savoir, je vais vous le dire, le voile va être levé, le mystère va enfin être révélé, la vérité va éclater, et pas plus tard que tout de suite, là, maintenant...Detroit, vous vous rappelez ? Les quartiers abandonnés, les coupe-gorges garantis 100% décès, les zones de non-droits que les dieux ont oubliées et où Christophe est persuadé que nous avons vécu les meilleurs moments de nos vacances ?? Bien sûr, vous vous rappelez...Ma grande pénibilité aidant, la visite de ces lieux a donc conduit à une crise conjugale majeure (quand je pense qu'on a été surclassés à Boston sous prétexte qu'on fêtait notre anniversaire de mariage ! On est à la limite de l'imposture là !) menant à mon départ anticipé, puis à mon retour tête basse, comme expliqué plus haut. Le mécontentement de Christophe était tel qu'il a... boudé. Lui ! Bon, il m'a quand même envoyé quelques noms d'oiseaux, mais après, silence complet, même quand il nous a chargées sur son dos ma valise et moi...Qu'avais-je donc comme solution ?? J'ai boudé moi aussi, mais là comme c'est plus habituel, ça n'a impressionné personne, surtout pas Christophe qui lui, dès le lendemain, était redevenu frais comme un gardon et tout à fait fidèle à lui-même.Le processus de sortie de boude habituel a commencé, je me suis longuement autoflagellée en ordonnant à ma pénibilité de rentrer se cacher; j'ai fait des sourires bien gentils bien polis, j'ai retenu toutes mes réflexions malvenues sur ce que nous faisions, j'ai tout fait pour me convaincre qu'il fallait que je lâche prise pour apprécier complètement ces vacances...Et cela a marché un peu, au début. Lorsque nous avons quitté Detroit, mon moral était à la hausse, nous étions en route vers Chicago où on ne devait visiter que des quartiers "safe", et après nous devions rencontrer un de mes cousins et sa famille habitant dans la campagne de l'Illinois, bref, tout devait être bon pour ma tension.Juste un petit détail sur la route : Gary. C'est qui Gary, vous dites-vous ? Vous avez tout faux ! Gary, c'est la ville natale de Michael Jackson, celle où il a grandi, où il a fait ses débuts avec les Jackson 5. Quand on est des grands fans inconditionnels, c'est une visite incontournable. Comme ce n'est pas notre cas, ... on y est allés quand même.Bon la maison, ok. Elle est dans "Jackson Street", ça alors, c'est incroyable ! Quel hommage ! Les gars nous demandent déjà si ça ne nous fera pas bizarre d'habiter 6, rue des Minguet, une fois qu'ils seront devenus célèbres... On rigole on rigole, mais ça ne m'empêche pas de remarquer qu'on n'est pas dans les cases bleues du Monopoly, encore une fois. Pas de chance, il pleut. Ce qui ajoute au côté glauque du moment. Je fais une photo, Christophe en fait 258, normal quoi.Nous déjeunons dans un KFC que je n'ose vous décrire : le plafond est à demi arraché et il pleut à l'intérieur, on nous fait payer les boissons mais on nous dit après que le distributeur est en panne, la serveuse a certainement un bracelet électronique bien caché et la cuisine doit abriter tout un arsenal d'armes à feu sous les pilons de poulets... et évidemment, nous sommes les seuls blancs... vous allez dire que je fais une fixation, mais là réellement dans des conditions comme ça, je vous assure qu'il y a de quoi flipper. Avec notre énorme voiture, notre pauvre accent (la serveuse lève les yeux au ciel tout au long de notre commande), nos cartes bancaires qui ne passent pas, et l'omniprésente GoPro que Christophe dégaine tout le temps ("c'est trop génial, c'est trop typique"), un néon "victimes idéales de la criminalité et de la misère" clignote au-dessus de nos têtes...Quand nous remontons en voiture, je vois que l'homme a prévu de passer devant l'hôpital (qui n'existe plus) où le petit Michael est né, l'école où il a appris à lire, le collège où il n'est pas allé, la salle de spectacle où il ne s'est jamais produit, le studio d'enregistrement où les Jackson 5 ont fait leurs premiers albums, le club où ils ont chanté quelques fois, notamment lors d'un retour très médiatisé dans les années 70... alors là, comment vous dire que ma pénibilité a recommencé à pointer le bout de son vilain né, parce que même si c'était pour mon Jean-Jacques, je ne suis pas sûre que je serais très intéressée, et pourtant mon Jean-Jacques il a grandi à Montrouge dans un quartier tranquille, pas dans cette ville fantôme où nous brillons par la pâleur de notre peau...Là, les garçons sentent que l'ambiance de la voiture, en tous cas au niveau de mon siège, commence à se détériorer un peu. Du coup, tout en diplomatie et retenue, ils suggèrent à leur père qu'on n'est peut-être pas obligés de faire toutes ces étapes...une ou deux, juste pour voir...Christophe, fidèle à lui-même, est convaincu, comme je l'ai dit, que l'esprit de nos vacances réside ici (comme à chaque fois), alors que nenni, on y va. Je respire un grand coup pour faire taire ma pénibilité (et calmer mon hyperventilation), et roule ma poule vers l'école, le collège puis le Mister Lucky's Lounge, le club où les J5 ont chanté. Là, pour montrer que je suis une bonne épouse, je fais un truc incroyable (Quand j'y repense ! Qu'est-ce qui m'a pris !) : JE SORS DE LA VOITURE !!! Avec mon téléphone en plus, histoire de prendre une photo (pour vous chers lecteurs !). Tandis que Christophe mitraille, une voiture s'arrête au feu rouge derrière nous, musique à fond (rap agressif, comme on s'y attend dans ce quartier, pas "I want you back" des J5, hein !); je fais mine de rien, je-vais-bien-tout-va-bien, c'est juste un sympathique autochtone qui va certainement à la bibliothèque pour son club de lecture autour de l'oeuvre de Jane Austen... Mais là, soudain, le feu passe au vert et.... je vous jure, j'ai eu l'impression de vivre la scène au ralenti : la voiture s'arrête à notre hauteur et une tête sort par la fenêtre (au bout d'un corps, hein, bien sûr, mais Dieu merci on n'a vu que la tête !), l'archétype du caïd de bande, foulard sur la tête, yeux exorbités, qui nous demande : "Oh là, amis touristes étrangers ! Quelle quête vous a donc menés ici ? Puis-je vous être utile en quoi que ce soit ?" Le tout dans un français impeccable, avec un léger accent versaillais... Incroyable non ? Ben oui, bien sûr incroyable !! Evidemment qu'il n'a pas dit ça !!! Il nous braille : "Stop this ! Go away ! We don't like you here ! There's gonna be a war !" (Arrêtez ! Partez ! On ne vous aime pas ici! Il va y avoir une guerre !)Que dire ? Qu'imaginez-vous qu'il se passât ??? Dieu merci, rien, parce que j'ai détalé vers la voiture tellement vite que Christophe a compris que là c'était peut-être un peu trop quand même, du coup, il m'a suivi (les miracles arrivent !). Autant vous dire que la suite du voyage a été TRES calme. On n'a rien vu de plus, même si Christophe a quand même tenté le coup en disant que c'est bizarre, dans tous les forums qu'il a vu, personne n'a jamais dit que c'était une ville dangereuse (ben oui, les morts ne parlent pas, coco !!!!!)... ce que mon cousin démentira en disant qu'il y a plus de fusillades à Gary que dans tout Chicago...Alors, on devait aller voir la maison de Michelle Obama dans les quartiers sud de Chicago, mais je pense que mon ange gardien a tabassé celui de Christophe pour le faire renoncer, un arrêt cardiaque aux Etats-Unis, je ne pense pas que notre mutuelle s'en serait remise...On est quand même restés dans la même veine puisqu'on est allés jusqu'à Joliet voir la prison qui a servi au tournage de la série "Prison Break", que j'ai tellement aimée (la série, pas la prison. Enfin, surtout le héros de la série. Si j'ai besoin d'un Uber, je le rajoute sur la liste des chauffeurs potentiels). J'ai été bien sage, pas pénible, j'ai tout fait comme il fallait, j'ai fait des photos, j'ai attendu patiemment que Christophe finisse de jouer avec son drone, et depuis, je ne dors plus...quelles chouettes vacances !